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L’art de se rendre utile

Chroniqueur radio, chirurgien pédiatrique et spécialiste en santé publique, le Dr Hussein Wissanji prend tous les moyens à sa disposition pour améliorer la santé de la population québécoise. « Parce que tout se tient », dit-il.
Image by Owen Egan / Joni Dufour.

L’annĂ©e 2024 aura Ă©tĂ© très grosse dans la jeune carrière du Dr Hussein Wissanji, chirurgien pĂ©diatrique, professeur au DĂ©partement de chirurgie pĂ©diatrique de l’UniversitĂ© şĂÉ«TVl, et directeur du Centre d’excellence en soins colorectaux (CECO) de l’HĂ´pital de MontrĂ©al pour enfants. Car, outre d’avoir ouvert ce centre clinique et de recherche en janvier, le chirurgien de 38 ans a agi comme porte-parole d’une campagne nationale de prĂ©vention des noyades, puis lancĂ© une chronique d’éducation mĂ©dicale Ă  la radio en plus d’œuvrer au dĂ©veloppement de la tĂ©lĂ©mĂ©decine auprès des communautĂ©s cries et inuites.

« Parce que tout se tient. J’ai choisi la médecine parce que je veux rendre service et aider des enfants et leurs familles. Or, il faut toucher le plus grand nombre. On n’a pas de temps à perdre », explique Hussein Wissanji. Pour lui, il est nécessaire de combiner la chirurgie surspécialisée, la santé publique et la communication populaire. « Notre système de santé est globalement très équitable, mais il existe des inégalités importantes à l’intérieur qu’il faut corriger, et ça commence souvent par une meilleure compréhension. »

Aider au bon moment

Le D°ůĚýWissanji raconte tenir son sens de la mission sociale de ses parents, d’ascendance indienne et natifs de Kisangani, qui ont quittĂ© la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo pour s’installer Ă  Granby en 1974. Son père, qui exploitait un petit commerce de photo, ainsi que sa mère, psychothĂ©rapeute, insistaient beaucoup pour que ses deux sĹ“urs et lui s’impliquent bĂ©nĂ©volement dans toutes sortes de causes.

Sa sœur aînée, Alisha (Ph. D. 2013), professeure en sciences de la nature au Cégep Marie-Victorin, a créé le programme L’École des Grands, qui jumelle des élèves du primaire avec des tutrices et tuteurs étudiant au cégep. Son autre sœur, Tasheen (B. Sc. 2007), également médecin, est secrétaire du conseil d’administration de la Fondation W., qui gère le programme. Hussein Wissanji en assume la vice-présidence. « Il faut pouvoir aider au bon moment d’une vie, parce qu’il vient un moment où ça devient plus difficile d’agir, voire impossible », raconte le chirurgien.

De la chirurgie...

Après avoir terminé son doctorat en médecine à l’Université Laval en 2011 et fait sa formation en chirurgie, le jeune chirurgien fait le choix peu conventionnel de faire une maîtrise en santé publique et en politiques de santé à l’École de santé publique Bloomberg de l’Université Johns Hopkins, où il jouera du tableau Excel plutôt que du bistouri. « J’habitais à Baltimore près de l’hôpital dans un quartier très défavorisé où l’espérance de vie était celle de pays africains. » Quant à la piqûre de la chirurgie pédiatrique, il l’attrape à la même époque durant un stage en chirurgie international où il assiste l’un des trois spécialistes en chirurgie pédiatrique du Rwanda.

Venu Ă  l’HĂ´pital de MontrĂ©al pour enfants pour complĂ©ter sa spĂ©cialisation en chirurgie pĂ©diatrique gĂ©nĂ©rale et thoracique avec les Drs Sherif Emil et Jean-Martin Laberge, le D°ůĚýWissanji souhaitait aussi y apprendre Ă  monter un centre d’excellence et bâtir un programme de recherche. « Les malformations colorectales ont Ă  peu près la mĂŞme prĂ©valence que la fibrose kystique, mais on en parle très peu Ă  cause de la honte. L’incontinence fĂ©cale affecte la dignitĂ©. C’est la maladie congĂ©nitale qui entraĂ®ne le plus de dĂ©pressions chez l’enfant. Ça dĂ©truit des vies. La reconstruction intestinale rend littĂ©ralement une qualitĂ© de vie Ă  des personnes qui auraient passĂ© leur vie dans des couches. »

Il admet avoir été surpris du succès fulgurant du CECO, qui vise à corriger le problème du manque d’expertise en chirurgie colorectale au Canada. « Avant l'ouverture du Centre, on voyait une quinzaine de patients par an. Or, le CECO vient de toucher son centième patient en moins d’un an alors qu’on prévoyait atteindre cette cible seulement d’ici 2027. »

...Ă  la radio

Hussein Wissanji est devenu une personnalité publique au printemps 2024 à travers une campagne nationale de prévention des noyades. Il en était non seulement le porte-parole, mais l’instigateur—ses propres études ayant permis de dénombrer un cas de noyade ou de quasi-noyade chaque jour au Québec durant la saison de la baignade! « Même si on ne sauve qu’une vie, ça vaut la peine », explique-t-il. Depuis septembre 2024, il consacre une partie de ses samedis à une chronique radio mensuelle d’information médicale sur les ondes du 98,5 FM, dans l'émission , sur des sujets aussi variés que le cancer colorectal et la façon de se préparer à un rendez-vous médical.

Développer la télémédecine

Son prochain projet concerne le suivi des chirurgies pédiatriques dans les communautés cries et inuites. Le protocole exige fréquemment un rendez-vous de suivi à Montréal après une intervention, ce qui allonge le séjour loin de la maison, avec toutes les conséquences pour les parents et les enfants. Or, constate le chercheur, ce déplacement médical est souvent inutile puisque le taux de complication est très faible pour les opérations de routine.

« La télémédecine, qui permettrait un suivi du patient sans besoin de quitter sa communauté, n’est pratiquée que dans 8 % des cas. Donc, la question est de savoir si le problème est technique, s'il s'agit d'une réticence des professionnels de la santé, ou si nous pourrions faire mieux en offrant des soins plus sensibles à la sécurité culturelle des patients », explique le Dr Wissanji, qui anticipe des applications pour toutes les populations rurales. « C’est un cas patent où une intention bienveillante produit un impact négatif. »

Lire l'article en anglais : The art of being useful

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